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extérieure des verrous.
Franz se redressa, se traîna jusqu'à cette seconde porte,
chercha à en ébranler les lourds montants&
Ses efforts furent inutiles.
- 165 -
Quelques meubles délabrés garnissaient la crypte ; ici, un lit
ou plutôt un grabat en vieux cSur de chêne, sur lequel étaient
jetés différents objets de literie ; là, un escabeau aux pieds tors,
une table fixée au mur par des tenons de fer. Sur la table se
trouvaient divers ustensiles, un large broc rempli d'eau, un plat
contenant un morceau de venaison froide, une grosse miche de
pain, semblable à du biscuit de mer. Dans un coin murmurait une
vasque, alimentée par un filet liquide, et dont le trop-plein
s'écoulait par une perte ménagée à la base de l'un des piliers.
Ces dispositions préalablement prises n'indiquaient-elles pas
qu'un hôte était attendu dans cette crypte, ou plutôt un
prisonnier dans cette prison ! Le prisonnier était-il donc Franz, et
avait-il été attiré par ruse ?
Dans le désarroi de ses pensées, Franz n'en eut pas même le
soupçon. Épuisé par le besoin et la fatigue, il dévora les aliments
déposés sur la table, il se désaltéra avec le contenu du broc ; puis
il se laissa tomber en travers de ce lit. grossier, où un repos de
quelques minutes pouvait lui rendre un peu de ses forces.
Mais, lorsqu'il voulut rassembler ses idées, il lui sembla
qu'elles s'échappaient comme une eau que sa main aurait voulu
retenir.
Devrait-il plutôt attendre le jour pour recommencer ses
recherches ? Sa volonté était-elle engourdie à ce point qu'il ne fût
plus maître de ses actes ?&
« Non ! se dit-il, je n'attendrai pas !& Au donjon& il faut que
j'arrive au donjon cette nuit même !& » Tout à coup, la clarté
factice que versait l'ampoule encastrée à la clef de voûte s'éteignit,
et la crypte fut plongée' dans une complète obscurité.
Franz voulut se relever& Il n'y parvint pas, et sa pensée
s'endormit ou, pour mieux dire, s'arrêta brusquement, comme
l'aiguille d'une horloge dont le ressort se casse. Ce fut un sommeil
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étrange, ou plutôt une torpeur accablante, un absolu
anéantissement de l'être, qui ne provenait pas de l'apaisement de
l'esprit&
Combien de temps avait duré ce sommeil, Franz ne sut le
constater, lorsqu'il se réveilla. Sa montre arrêtée ne lui indiquait
plus l'heure. Mais la crypte était baignée de nouveau d'une
lumière artificielle.
Franz s'éloigna hors de son lit, fit quelques pas du côté de la
première porte : elle était toujours ouverte ; vers la seconde
porte : elle était toujours fermée.
Il voulut réfléchir et cela ne se fit pas sans peine.
Si son corps était remis des fatigues de la veille, il se sentait la
tête à la fois vide et pesante.
« Combien de temps ai-je dormi ? se demanda-t-il. Fait-il
nuit, fait-il jour ?& »
A l'intérieur de la crypte, il n'y avait rien de changé, si ce n'est
que la lumière avait été rétablie, la, nourriture renouvelée, le broc
rempli d'une eau claire.
Quelqu'un était-il donc entré pendant que Franz était plongé
dans cet accablement torpide ? On savait qu'il avait atteint les
profondeurs du burg ?& Il se trouvait au pouvoir du baron
Rodolphe de Gortz& Était-il condamné à ne plus avoir aucune
communication avec ses semblables ?
Ce n'était pas admissible, et, d'ailleurs, il fuirait, puisqu'il
pouvait encore le faire, il retrouverait la galerie qui conduisait à la
poterne, il sortirait du château&
- 167 -
Sortir ?& Il se souvint alors que la poterne s'était refermée
derrière lui&
Eh bien ! il chercherait à gagner le mur d'enceinte, et par une
des embrasures de la courtine, il essaierait de se glisser au-
dehors& Coûte que coûte, il fallait qu'avant une heure, il se fût
échappé du burg&
Mais la Stilla& Renoncerait-il à parvenir jusqu'à elle ?&
Partirait-il sans l'avoir arrachée à Rodolphe de Gortz ?&
Non ! et ce dont il n'aurait pu venir à bout, il le ferait avec le
concours des agents que Rotzko avait dû ramener de Karlsburg au
village de Werst& On se précipiterait à l'assaut de la vieille
enceinte& on fouillerait le burg de fond en comble !&
Cette résolution prise, il s'agissait de la mettre à exécution
sans perdre un instant.
Franz se leva, et il se dirigeait vers le couloir par lequel il était
arrivé, lorsqu'une sorte de glissement se produisit derrière la
seconde porte de la crypte.
C'était certainement un bruit de pas qui se rapprochaient
lentement.
Franz vint placer son oreille contre le vantail de la porte, et,
retenant sa respiration, il écouta&
Les pas semblaient se poser à intervalles réguliers, comme
s'ils eussent monté d'une marche à une autre. Nul doute qu'il y
eût là un second escalier, qui reliait la crypte aux cours
intérieures.
- 168 -
Pour être prêt à tout événement, Franz tira de sa gaine le
couteau qu'il portait à sa ceinture et l'emmancha solidement dans
sa main.
Si c'était un des serviteurs du baron de Gortz qui entrait, il se
jetterait sur lui, il lui arracherait ses clefs, il le mettrait hors d'état
de le suivre ; puis, s'élançant par cette nouvelle issue, il tenterait
d'atteindre le donjon.
Si c'était le baron Rodolphe de Gortz et il reconnaîtrait bien
l'homme qu'il avait aperçu au moment où la Stilla tombait sur la
scène de San-Carlo , il le frapperait sans pitié.
Cependant les pas s'étaient arrêtés au palier qui formait le
seuil extérieur.
Franz, ne faisant pas un mouvement, attendait que la porte
s'ouvrît&
Elle ne s'ouvrit pas, et une voix d'une douceur infinie arriva
jusqu'au jeune comte.
C'était la voix de la Stilla& oui !& mais sa voix un peu
affaiblie avec toutes ses inflexions, son charme inexprimable, ses
caressantes modulations, admirable instrument de cet art
merveilleux qui semblait être mort avec l'artiste.
Et la Stilla répétait là plaintive mélodie, qui avait bercé le rêve
de Franz, lorsqu'il sommeillait dans la grande salle de l'auberge
de Werst :
Nel giardino de' mille fiori,
Andiamo, mio cuore&
- 169 -
Ce chant pénétrait Franz jusqu'au plus profond de son âme&
Il l'aspirait, il le buvait comme une liqueur divine, tandis que la
Stilla semblait l'inviter à la suivre, répétant :
Andiamo, mio cuore& andiamo&
Et pourtant la porte ne s'ouvrait pas pour lui livrer passage !&
Ne pourrait-il donc arriver jusqu'à la Stilla, la prendre entre ses
bras, l'entraîner hors du burg ?& « Stilla& ma Stilla& » s'écria-t-
il.
Et il se jeta sur la porte, qui résista à ses effets.
Déjà le chant semblait s'affaiblir& la voix s'éteindre& les pas
s'éloigner&
Franz, agenouillé, cherchait à ébranler les ais, se déchirant les
mains aux ferrures, appelait toujours la Stilla, dont la voix ne
s'entendait presque plus.
C'est alors qu'une effroyable pensée lui traversa l'esprit
comme un éclair.
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