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Henri Bergson, Mati�re et m�moire. Essai sur la relation du corps � l esprit. (1939) 26
�-dire agissant. On se repr�sente le corps vivant comme un empire dans un
empire, le syst�me nerveux comme un �tre � part, dont la fonction serait
d'abord d'�laborer des perceptions, ensuite de cr�er des mouvements. La v�rit�
est que mon syst�me nerveux, interpos� entre les objets qui �branlent mon
corps et ceux que je pourrais influencer, joue le r�le d'un simple conducteur,
qui transmet, r�partit ou inhibe du mouvement. Ce conducteur se compose
d'une multitude �norme de fils tendus de la p�riph�rie au centre et du centre �
la p�riph�rie. Autant il y a de fils allant de la p�riph�rie vers le centre, autant il
y a de points de l'espace capables de solliciter ma volont� et de poser, pour
ainsi dire, une question �l�mentaire � mon activit� motrice : chaque question
pos�e est justement ce qu'on appelle une perception. Aussi la perception est-
elle diminu�e d'un de ses �l�ments chaque fois qu'un des fils dits sensitifs est
coup�, parce qu'alors quelque partie de l'objet ext�rieur devient impuissante �
solliciter l'activit�, et aussi chaque fois qu'une habitude stable a �t� contract�e,
parce que cette fois la r�plique toute pr�te rend la question inutile. Ce qui
dispara�t dans un cas comme dans l'autre, c'est la r�flexion apparente de
l'�branlement sur lui m�me, le retour de la lumi�re � l'image d'o� elle part, ou
plut�t cette dissociation, ce discernement qui fait que la perception se d�gage
de l'image. On peut donc dire que le d�tail de la perception se moule exacte-
ment sur celui des nerfs dits sensitifs, mais que la perception, dans son
ensemble, a sa v�ritable raison d'�tre dans la tendance du corps � se mouvoir.
Ce qui fait g�n�ralement illusion sur ce point, c'est l'apparente indiff�rence
de nos mouvements � l'excitation qui les occasionne. Il semble que le
mouvement de mon corps pour atteindre et modifier un objet reste le m�me,
soit que j'aie �t� averti de son existence par l'ou�e, soit qu'il m'ait �t� r�v�l� par
la vue ou le toucher. Mon activit� motrice devient alors une entit� � part, une
esp�ce de r�servoir d'o� le mouvement sort � volont�, toujours le m�me pour
une m�me action, quel que soit le genre d'image qui l'a sollicit� � se produire.
Mais la v�rit� est que le caract�re de mouvements ext�rieurement identiques
est int�rieurement modifi�, selon qu'ils donnent la r�plique � une impression
visuelle, tactile ou auditive. J'aper�ois une multitude d'objets dans l'espace ;
chacun d'eux, en tant que forme visuelle, sollicite mon activit�. Je perds
brusquement la vue. Sans doute je dispose encore de la m�me quantit� et de la
m�me qualit� de mouvements dans l'espace ; mais ces mouvements ne peu-
vent plus �tre coordonn�s � des impressions visuelles; ils devront d�sormais
suivre des impressions tactiles, par exemple, et il se dessinera sans doute dans
le cerveau un nouvel arrangement ; les expansions protoplasmiques des
�l�ments nerveux moteurs, dans l'�corce, seront en rapport avec un nombre
beaucoup moins grand, cette fois, de ces �l�ments nerveux qu'on appelle
sensoriels. Mon activit� est donc bien r�ellement diminu�e, en ce sens que si
je peux produire les m�mes mouvements, les objets m'en fournissent moins
l'occasion. Et par suite, l'interruption brusque de la conduction optique a eu
pour effet essentiel, profond, de supprimer toute une partie des sollicitations
de mon activit� : or cette sollicitation, comme nous l'avons vu, est la percep-
tion m�me. Nous touchons ici du doigt l'erreur de ceux qui font na�tre la
perception de l'�branlement sensoriel proprement dit, et non d'une esp�ce de
question pos�e �, notre activit� motrice. Ils d�tachent cette activit� motrice du
processus perceptif, et comme elle para�t survivre � l'abolition de la percep-
tion, ils en concluent que la perception est localis�e dans les �l�ments nerveux
dits sensoriels. Mais la v�rit� est qu'elle n'est pas plus dans les centres
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sensoriels que dans les centres moteurs ; elle mesure la complexit� de leurs
rapports, et existe l� o� elle appara�t.
Les psychologues qui ont �tudi� l'enfance savent bien que notre repr�sen-
tation commence par �tre impersonnelle. C'est peu � peu, et � force
d'inductions, qu'elle adopte notre corps pour centre et devient notre repr�sen-
tation. Le m�canisme de cette op�ration est d'ailleurs ais� � comprendre. �
mesure que mon corps se d�place dans l'espace, toutes les autres images
varient ; celle-ci, au contraire, demeure . invariable. Je dois donc bien en faire
un centre, auquel je rapporterai toutes les autres images. Ma croyance � un
monde ext�rieur ne vient pas, ne peut pas venir, de ce que je projette hors de
moi des sensations inextensives : comment ces sensations acquerraient-elles
l'extension, et d'o� pourrais-je tirer la notion de l'ext�riorit� ? Mais si l'on
accorde, comme l'exp�rience en fait foi, que l'ensemble des images est donn�
d'abord, je vois tr�s bien comment mon corps finit par occuper dans cet
ensemble une situation privil�gi�e. Et je comprends aussi comment na�t alors
la notion de l'int�rieur et de l'ext�rieur, qui n'est au d�but que la distinction de
mon corps et des autres corps. Partez en effet de mon corps, comme on le fait
d'ordinaire ; vous ne me ferez jamais comprendre comment des impressions
re�ues � la surface de mon corps, et qui n'int�ressent que ce corps, vont se
constituer pour moi en objets ind�pendants et former un monde ext�rieur.
Donnez-moi au contraire les images en g�n�ral; mon corps finira n�cessaire-
ment par se dessiner au milieu d'elles comme une chose distincte, puisqu'elles
changent sans cesse et qu'il demeure invariable. La distinction de l'int�rieur et
de l'ext�rieur se ram�nera ainsi � celle de la partie et du tout. Il y a d'abord
l'ensemble des images ; il y a, dans cet ensemble, des � centres d'action �
contre lesquels les images int�ressantes semblent se r�fl�chir ; c'est ainsi que
les perceptions naissent et que les actions se pr�parent. Mon corps est ce qui
se dessine au centre de ces perceptions ; ma personne est l'�tre auquel il faut
rapporter ces actions. Les choses s'�claircissent si l'on va ainsi de la p�riph�rie
de la repr�sentation au centre, comme le fait l'enfant, comme nous y invitent
l'exp�rience imm�diate et le sens commun. Tout s'obscurcit au contraire, et les
probl�mes se multiplient, si l'on pr�tend aller, avec les th�oriciens, du centre �
la p�riph�rie. D'o� vient donc alors cette id�e d'un monde ext�rieur construit
artificiellement, pi�ce � pi�ce, avec des sensations inextensives dont on ne
comprend ni comment elles arriveraient � former une surface �tendue, ni
comment elles se projetteraient ensuite en dehors de notre corps ? Pourquoi
veut-on, contre toute apparence, que j'aille de mon moi conscient � mon corps,
puis de mon corps aux autres corps, alors qu'en fait je me place d'embl�e dans
le monde mat�riel en g�n�ral, pour limiter progressivement ce centre d'action
qui s'appellera mon corps et le distinguer ainsi de tous les autres ? Il y a, dans
cette croyance au caract�re d'abord inextensif de notre perception ext�rieure,
tant d'illusions r�unies, on trouverait, dans cette id�e que nous projetons hors
de nous des �tats purement internes, tant de malentendus, tant de r�ponses
boiteuses � des questions mal pos�es, que nous ne saurions pr�tendre � faire la
lumi�re tout d'un coup. Nous esp�rons qu'elle se fera peu � peu, � mesure que
nous montrerons plus clairement, derri�re ces illusions, la confusion m�ta-
physique de l'�tendue indivis�e et de l'espace homog�ne, la confusion psycho-
logique de la � perception pure � et de la m�moire. Mais elles se rattachent en
outre � des faits r�els, que nous pouvons d�s maintenant signaler pour en
rectifier l'interpr�tation. [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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