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lumière soit, et la lumière fut. Ce qui nous avertit de ceci que la vraie lumière
suppose beaucoup de discours, et que l'enseignement est chose divine, qui
crée par le Verbe. Vous êtes conduit tout naturellement au poème de Saint
Jean. Au commencement le Verbe flottait sur les eaux. Puis le Verbe s'est fait
chair. Ce double mouvement de s'élever et de s'incarner est toute la vie de
l'esprit.
Alain (Émile Chartier) (1916), Éléments de philosophie 118
Livre3 : De la connaissance discursive
Chapitre I
Du langage
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Avant d'examiner comment la connaissance peut s'étendre et s'assurer par
le discours seulement, il faut traiter du langage. Dans tout ce qui nous reste à
décrire, d'inventions abstraites, de fantaisies, de passions, d'institutions, le
langage est roi. Il s'agit, dans une exposition resserrée, d'étaler dans toute son
étendue ce beau domaine qui s'étend des profondeurs de la musique aux
sommets de l'algèbre. Mais admirez d'abord comment les jeux du langage
prennent l'esprit dans leurs pièges. Il faut, disent les auteurs, s'entendre pour
créer une langue, et donc savoir parler avant d apprendre à parler. Ce puéril
argument est un exemple parfait des artifices dialectiques, qui sont pris pour
philosophie par ceux qui n'ont pas appris à penser d abord sans parler.
L'action humaine, j'entends le mouvement pour frapper, donner, prendre,
fuir, est ce qui nous intéresse le plus au monde, et la seule chose au monde qui
intéresse l'enfant, car c'est de là que lui viennent tous biens et tous maux dans
les premières années. Ces actions sont les premiers signes, et les comprendre
ce n est autre chose, d'abord, que d'en éprouver les effets. Puisque l'homme
apprend à deviner les choses qui approchent d'après des signes, il ne faut pas
s'étonner qu il apprenne aussi, bien vite, à deviner ce qu'un homme va faire,
Alain (Émile Chartier) (1916), Éléments de philosophie 119
d'après ses moindres mouvements. Il ne s'agit que de décrire l'immense
domaine des signes humains. À cette fin, on peut distinguer d'abord l'esquisse
de l action ou son commencement, qui font assez prévoir la suite ; et telle est
l'origine de presque tous les gestes, comme montrer le poing, tendre la main,
croiser les bras, hausser les épaules. On passe naturellement de là à la
préparation des actions, qui est l'attitude. On devine qu'un homme à genoux et
face contre terre ne va pas combattre, qu'un homme qui tourne le dos ne craint
point, qu'un homme qui se ramasse va bondir, ainsi du reste. Enfin, il faut
noter aussi les effets accessoires de cette préparation des actions, lesquels
résultent de la fabrique du corps humain telle que chacun la connaît d'après la
physiologie la plus sommaire. Telles sont la rougeur et la pâleur, les larmes, le
tremblement, les mouvements du nez et des joues, le cri enfin, qui est l'effet
naturel de toute contraction des muscles ; et il faut faire grande attention à ce
dernier signe, destiné à supplanter les autres et à engendrer jusqu'à l'algèbre,
par un détour qu'il faut ici décrire. Mais auparavant il faut faire remarquer que
la pensée, qui n'est au naturel qu'action retenue, offre aussi des signes bien
clairs, qui sont l'arrêt même, l'attention marquée par le jeu des yeux et les
mouvements calculés, enfin les mouvements des mains par lesquels, d'avance,
nous palpons ou mesurons la chose vue, ou simplement nous favorisons la vue
et l'ouïe. Toutes ces choses sont assez connues, il suffit de les rappeler, et de
dire que nous savons interpréter les signes des animaux, surtout domestiques,
aussi bien que des hommes. Le cavalier devine ce que le cheval va faire,
d'après l'allure et les oreilles. Il faut maintenant considérer que le langage est
fils de société. Au reste l'homme isolé d'abord, et s'alliant ensuite à l'homme,
n'est qu'une fiction ridicule. Je ne veux pas me priver de citer ici, après d'au-
tres, une forte parole d'Agassiz : « Comme la bruyère a toujours été lande,
l'homme a toujours été société. » Et l'homme vit en société déjà avant sa
naissance. Ainsi le langage est né en même temps que l'homme ; et c'est par le
langage toujours que nous éprouvons la puissance des hommes en société ;
l'homme fuit quand les hommes fuient ; c'est là parler et comprendre, sans
contrainte à proprement parler. Comprenons donc comment l'imitation, qui
n'est que l'éducation, simplifie et unifie naturellement les signes, qui devien-
nent par là l'expression de la société même. Les cérémonies consistent ainsi
toujours en des signes rituels, d'où sont sorties la mimique et la danse,
toujours liées au culte. D'où un langage déjà conventionnel de gestes et de
cris.
Il reste à comprendre pourquoi la voix a dominé, car c'est tout le secret de
la transformation du langage. L'homme a parlé son geste ; pourquoi ? Darwin
en donne une forte raison, qui est que le cri est compris la nuit. Il y a d'autres
raisons encore ; le cri provoque l'attention, au lieu que le geste la suppose
déjà ; le cri enfin accompagne l'action, le geste l'interrompt. Pensons à une vie
d'actions et de surprises, nous verrons naître les cris modulés, accompagnant
d'abord le geste, naturellement plus clair, pour le remplacer ensuite. Ainsi naît
un langage vocal conventionnel. Mais comme l'écriture, qui n'est que le geste
fixé, est utile aussi, l'homme apprend à écrire sa parole, c'est-à-dire à repré-
senter, par les dessins les plus simples du geste écrit, les sons et les articu-
lations. Cette écriture dut être chantée d'abord, comme la musique ; et puis les
yeux surent lire, et s'attachèrent à la figure des lettres ou orthographe, même
quand les sons, toujours simplifiés et fondus comme on sait, n'y correspondent
plus exactement. Ainsi, par l'écriture, les mots sont des objets fixes que les
yeux savent dénombrer, que les mains savent grouper et transposer. Toutefois
Alain (Émile Chartier) (1916), Éléments de philosophie 120
quoique ces caractères échappent ainsi au mouvement des passions il s'est
toujours exercé un effort bien naturel, pour retrouver dans ces signes la
puissance magique des gestes et des cris qu'ils remplacent. Mais n'insistons
pas maintenant sur cette magie du langage. Il s'agit dans ce qui va suivre, d'un
langage défini, ou du moins qui veut l'être, et d'un jeu qui consiste à penser
avec les mots seulement. On peut appeler discursive cette connaissance autant
qu'elle est légitime ; et l'abus en peut être dialectique.
Un homme qui ne connaît que les choses est un homme sans idées. C'est
dans le langage que se trouvent les idées. C'est pourquoi si on pouvait instituer
une comparaison par les effets entre deux enfants, l'un qui ne ferait jamais
attention qu'aux choses, et l'autre qui ne ferait jamais attention qu'aux mots, on
trouverait que le dernier dépasserait l'autre à tous égards et de bien loin. Car il
n'est pas difficile de retenir des expériences familières, et de joindre à chacune
le mot qui la désigne dans l'usage ; et le métier, là-dessus, conduit n'importe
quel homme à une perfection étonnante ; mais pour les idées et les sentiments,
qui importent le plus, l'homme de métier n'est toujours qu'un enfant. Au con-
traire, dans l'étude d'une langue réelle, chacun trouve toutes les idées humai-
nes en système, et des lumières sur toute l'expérience, qui lui font faire [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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